directeur de Beck Glatz Confiseur AG et de Berner Mandelbärli AG
LES OURSONS AUX AMANDES, UN PLAISIR DURABLE
ENTRETIEN AVEC THOMAS GLATZ
Berne et les ours sont indissociables, et ce depuis le XIIIe siècle, date à laquelle un ours a été placé sur le blason de la ville et que des pièces de monnaie correspondantes ont été frappées peu après. Selon la légende, l’ours est le premier animal que le fondateur de la ville, le duc Berthold V de Zähringen, a tué sur le territoire choisi. En revanche, il est avéré qu’à Berne, les oursons aux amandes sont de petites célébrités: après tout, ils ne sont vendus que là (et dans certains magasins Coop du Mittelland).
Aujourd’hui, les oursons aux amandes sont parfois la première pâtisserie que mangent les voyageurs à Berne : la boulangerie Glatz a notamment ouvert une succursale au Hirscheng-raben à Berne, sous la « Welle » de la gare. Les oursons sont fabriqués depuis 1989, lorsque l’entreprise cherchait quelque chose de spécial pour son 125e anniversaire. Les pâtissiers ont donc sorti les vieux moules en fer blanc qu’ils avaient achetés au début du siècle pour couler des ours en chocolat et les ont remplis de masse à gâteau. Ainsi est né l’ourson aux amandes.
HISTOIRE D’UNE BOULANGERIE INNOVANTE
Fondée en 1864, Beck Glatz Confiseur AG peut se prévaloir de plus de 157 ans d’expérience. Aujourd’hui, l’entreprise bernoise jouit d’une excellente réputation et d’un grand respect. Cette réussite est la preuve que les cinq générations ont trouvé l’équilibre entre les valeurs éprouvées et l’innovation. L’accent est mis sur l’impératif de fraîcheur des produits, ce qui garantit le succès, à l’avenir aussi, de cette entreprise sympathique et soucieuse du développe-ment durable.
www.glatz-bern.ch | www.mandelbaerli.ch
EnVogue: Monsieur Glatz, on dit qu’aucune autre pâtisserie bernoise n’est capable de susciter autant d’émotion, à part le gâteau aux oignons. C’est juste ?
Thomas Glatz: Qu’ils soient sucrés ou salés, même dans l’Antiquité, les biscuits étaient considérés comme des cadeaux permettant d’apaiser les dieux. Si les oursons aux aman-des bernois sont si populaires, c’est certaine-ment aussi parce qu’ils constituent un cadeau idéal pour toutes les générations.
EnVogue: Le thème de ce numéro d’enVogue est la durabilité. Est-ce que ce sujet vous par-le ? Après tout, vous privilégiez les produits naturels sans additifs dans vos pâtisseries, qui sont faites à la main.
T.G: L’utilisation raisonnable des ressources me tient énormément à cœur. Tous les pro-duits que nous vendons sont sans agents conservateurs et sans additifs. C’est ce qui distingue une boulangerie-confiserie d’une entreprise industrielle. Lorsque j’ai lu dans un magazine que chaque Suisse consomme en moyenne 13,6 kg d’adjuvants de boulangerie et d’additifs par an, j’ai eu un déclic.
EnVogue: Depuis 2012, Glatz est la première entreprise neutre en CO2 du secteur de la boulangerie-confiserie et de la restauration en Suisse – et dispose d’un certificat officiel. Comment voyez-vous cette orientation au-jourd’hui, près de 10 ans plus tard, à l’heure où l’expression « climatiquement neutre » est sur toutes les lèvres ?
T.G: Les choses changent généralement trop lentement. Déjà aujourd’hui, chez Glatz, nous fournissons, produisons et vendons entière-ment sans combustibles fossiles – ni gaz, ni mazout, ni essence. Nos deux camions de liv-raison électriques desservent chaque jour nosmagasins. Toutefois, il ne s’agit pas en premier lieu d’une réussite économique. Nous avons beaucoup été copiés. J’espère qu’il y aura de nombreux autres imitateurs, également dans ce domaine, à l’avenir.
EnVogue: Dans d’autres textes à votre sujet, nous avons lu que des relations commerciales solides sont basées sur la confiance entre par-tenaires et sur l’idée partagée qu’un produit doit être d’origine régionale et fabriqué de manière durable. Pouvez-vous préciser cette pensée ?
T.G: « Bien faire » c’est tout autre chose que les bonnes intentions. Ceux qui veulent bien faire ne trouvent pas toujours les bons partenaires. C’est pourquoi la coopération est d’autant plus fructueuse qu’elle est caractérisée par le respect et l’engagement mutuels. J’en fais surtout l’expérience avec des partenaires locaux pour qui le prix n’est pas le facteur déterminant.
EnVogue: Diverses entreprises, particulière-ment dans le secteur de la confiserie, craig-nent pour leur avenir. Quelle est la situation chez vous ? A quel point la pandémie de COVID-19 a-t-elle touché la confiserie Glatz ?T.G: La crise nous a durement touchés dans le secteur de la restauration. Grâce à nos fidèles clients, la situation se redresse progressive-ment. L’évolution de Berner Mandelbärli AG a été réjouissante : nous avons pu enregistrer une forte augmentation des ventes grâce à notre boutique en ligne mandelbaerli.ch. La coopération entre les deux sociétés sœurs, Glatz et Mandelbärli, a été un point fort sup-plémentaire et nous a soudés.
EnVogue: Tradition de la boulangerie artisa-nale et innovation : comment cela peut-il aller de pair ? Est-ce une question de courage, ou simplement de curiosité, par tradition ?
T.G: Je dois avouer que dans mon parcours professionnel, j’ai souvent simplement essayé des choses. Fidèle à la devise « Je vends ce que j’aime », je suis sûr qu’il y a aussi eu beau-coup de produits qui se vendaient mal. Mais le marketing et l’introduction de nouveaux produits m’ont toujours énormément fasciné.
EnVogue: Quel rôle joue l’emballage pour vous ? Vous êtes intransigeant concernant les ingrédients de vos produits et utilisez les meilleures matières premières. Vous appliquez ces mêmes exigences aux emballages ? Qu’est-ce qui vous importe outre le recyclage et un système de gestion des déchets qui fonctionne ?
T.G: Le toucher. Il m’arrive d’acheter des cho-ses inutiles juste parce que j’aime l’emballage. Pour moi, l’interaction entre la fonctionnalité, la forme et le toucher est particulièrement importante. Ceux qui ont déjà visité le Japon savent à quel point l’emballage, d’un cadeau, par exemple, fait la différence. Peut-être que les innombrables visites et accords de cou-leurs dans les imprimeries aux quatre coins de la Suisse m’ont également rendu plus conscient de cela.
EnVogue: Nous avons eu le plaisir de conce-voir avec vous de très belles solutions d’em-ballage pour le célèbre ourson aux amandes. Quelle image de votre entreprise voulez-vous donner aux points de vente dans vos filiales ? Quelle est l’importance des promotions saisonnières pour votre entreprise ?
T.G: L’emballage de l’ourson aux amandes nous a beaucoup rapprochés de notre objec-tif de réaliser un concept d’espaces-boutique. Dans les points de vente de Glatz, l’ourson aux amandes est devenu un produit de vente important. Les promotions saisonnières sont désormais centrées sur les innovations, et plus sur les produits fabriqués depuis toujours. Je pense, par exemple, à l’ourson aux marrons au lieu d’un vermicelles. Il y a des clients qui attendent avec impatience le mois de sep-tembre ;-).
EnVogue: La conception de l’emballage est un élément important de la communication marketing pour les produits gourmands. Cela fait partie de la politique des produits, mais aussi de la publicité, des ventes, de la gestion de la qualité et des tâches de la direction. Votre opinion à ce sujet ?
T.G: Si je pense aux discussions concernant le nutri-score, je suis convaincu que la concep-tion de l’emballage devient rapidement une question de survie. Ceux qui manquent le coche en matière d’emballage ne survivront pas longtemps.
EnVogue: Quelle importance accordez-vous à votre boutique en ligne ? Ce canal de dis-tribution s’est bien développé en ces temps difficiles, n’est-ce pas ?
T.G: Oui, son évolution est gratifiante. Mon défi personnel est désormais d’envoyer des paquets avec une touche personnelle, em-ballés avec soin et amour, au lieu de paquets « robots » avec des étiquettes de retour gra-tuites. C’est là que la durabilité est nécessaire à l’avenir. Les coûts de transport ne représen-tent toujours pas plus de 8 % du prix de vente de tous les biens dans le monde ; tant que cela ne changera pas, nous ne pourrons pas résoudre nos problèmes climatiques.
EnVogue: Enfin, pourriez-vous nous dire quel est votre ourson aux amandes préféré ?
T.G: (en riant) : Les oursons aux pistaches sont mes préférés. Peut-être allons-nous déve-lopper un jour un ourson aux truffes ;-).